Real-Time Computer Complex (RTCC) & Informatique

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Cette page a été rédigée avec l'aide de James Summers, retraité de chez IBM et contrôleur au RTCC durant les programmes Gemini et Apollo, et grâce aux renseignements qu'il m'a très aimablement fournies...

Le Real-Time Computer Complex, situé au MSC, à Houston, Texas, était un organe central et "vital" du Mission Control Center. On pourrait même le qualifier de "cerveau" de la salle de contrôle.

Lors des vols Mercury, le MCC (Mission Control Center) était situé au Cap Canaveral mais ne disposait d'aucun équipement informatique. La seule façon d'obtenir des calculs de trajectoires était de téléphoner au Goddard Space Flight Center (GSFC) à Greenbelt dans le Maryland, près de Washington D.C., et de transmettre les paramètres et les données nécessaires. Goddard calculait les nouveaux paramètres de la trajectoire puis les transmettait au KSC par téléphone. Il n'y avait aucun ordinateur, et la plupart des membres des équipes de vol purent pour la première fois voir un ordinateur lorsqu'ils furent transférés au MSC alors flambant neuf.

L'histoire du RTCC commence au début des années 1960 après que la décision de construire un nouveau centre spatial, le futur Manned Spacecraft Center, ait été soumise par la NASA et acceptée par le Congrès. Des études réalisées par Philco Corporation, chargé de la construction du MSC, préconise une centralisation des organes de contrôle de mission, de façon à éviter les problèmes de communication. La NASA choisit donc d'établir un complexe informatique permettant le traitement des données provenant du vaisseau. Ce complexe devait également pouvoir gérer les diverses infrastructures du contrôle de mission, tels que la conversion des données en affichages exploitables par les contrôleurs de vol, ou encore la transmission de données vers le vaisseau. De plus, ce complexe devait être capable d'analyser en permanence les paramètres actuels concernant l'état du vaisseau.


Une vue du RTCC au MSC, à Houston.

Le RTCC devient opérationnel en mars 1965, lors du programme Gemini.

Rôle du RTCC

Le rôle du RTCC fut alors clairement défini. Ce complexe collectait les informations provenant du vaisseau Apollo (ou Gemini) ou du lanceur et retransmises par l'intermédiaire du Manned Space Flight Network. Une fois arrivées au RTCC, les informations reçues étaient automatiquement traitées. Ces données comprenaient par exemple les paramètres actuels de la trajectoire, les valeurs de la température de la capsule, ou encore l'état des divers systèmes du vaisseau... Ces données étaient ensuite comparées avec des informations pré-enregistrées. Quand l'équipage utilisait l'ordinateur de bord du vaisseau (CMC) pour calculer les caractéristique d'un vecteur de poussée par exemple au cours de la mission, le résultat du CMC était comparé avec des valeurs obtenues par le RTCC à partir de données radar émises depuis la Terre. Si les calculs du CMC différait de ceux du RTCC, on recommençait l'opération et on débuggait les deux calculs. Si les résultats étaient toujours différent, le vaisseau utilisait les valeurs du RTCC. Le complexe était également chargé de la répartition et de la conversion des données provenant du vaisseau en affichages utilisables par les contrôleurs de vol dans la MOCR. Le RTCC était également très sollicité par le Retrofire Officer (RETRO) et son équipe, qui devait planifier les manœuvres de désorbitation et de retour sur Terre. Le RETRO devait également effectuer les calculs nécessaires aux trajectoires de rentrée, c'est pourquoi le RTCC lui était très utile, car ce complexe calculait en permanence les paramètres de retour sur Terre en cas d'urgence, pendant chacune des phases de la mission.

Configuration matérielle

Lors de l'ouverture en Mars 1965, 5 ordinateurs IBM 7094-II y sont installés, ceux-ci étaient à la pointe de la technologie à l'époque, c'était d'ailleurs le complexe informatique le plus puissant du monde. C'est également des équipes d'IBM qui assistaient le personnel de la NASA lors des missions. Tout ce qui s'affichait sur les consoles des contrôleurs de vol était géré par un de ces ordinateurs appelés Mission Operations Computers. Un second ordinateur tournait en parallèle, prêt à prendre le relais au cas où le premier rencontrerait un problème.

La mémoire totale du système était de 64K, avec des mots de 36 bits. Le système ne disposait d'aucun disque dur. En revanche, les données était stockées sur des bandes. L'ordinateur disposait de 8 lecteurs de bandes, rangés sur 2 unités. Ces lecteurs/enregistreurs copiait jusqu'à 170.000 caractères en une seconde. Le cœur du système était constitué d'un processeur tournant à 1 MIP. Ce processeur pouvait effectuer 500.000 opérations logiques, 250.000 additions, 100.000 multiplications et 62.500 divisions en 1 seconde. Les données étaient entré dans l'ordinateur par l'intermédiaire de télétype modèle KSR-33. Les données et les paramètres étaient affichés par l'intermédiaire de moniteurs TV à affichage vert/noir. Le language utilisé par le système était du Fortran et MAP (Macro Assembler Programming). Chacun des ordinateurs occupait une surface de 15m². La communication avec le monde extérieur était assuré par 2 UNIVAC 490, sorte de modems de l'époque.

En revanche, la programmation était très complexe, et manquant de flexibilité.


Ci-dessus, le groupe d'ordinateurs IBM 7094-II.

Après l'accident d'Apollo 1, le RTCC fut restructuré. On remplaça les anciens ordinateurs par des 5 IBM 360/75J, avec le nouveau système d'exploitation OS/360. Ce furent les premiers à sortir des usines d'IBM. Ces ordinateurs avait une capacité de stockage d'environ 1 mégaoctet. Les communications était désormais assuré par deux nouveaux ordinateurs servant de "modems", des UNIVAC 494, successeurs des UNIVAC 490.

    
Ci-dessus, un modèle d'IBM 360-75J, situé au Goddard Space Flight Center de la NASA.

Lors de chaque vol, un des ordinateurs servait de soutien (Dynamic Standby), c'est à dire qu'il effectuait les mêmes opérations que les autres ordinateurs utilisés pour le contrôle du vol, et servait de système d'urgence. Un autre ordinateur était utilisé pour la simulation des instructions et des commandes. Le Dynamic Standby était parfaitement synchronisé avec les autres ordinateurs.


Un technicien en train de réparer l'IBM-360...

Personnel

Le RTCC était constitué de 5 positions différentes : Radar, Trajectory (ou Computer Dynamics), Command (ou Computer Command), Telemetry et Computer Supervisor (ComSup). Chacune des positions était occupé par deux personnes en général : un employé d'IBM et un membre de la NASA. Chacun des contrôleurs du RTCC étaient responsable de certains contrôleurs de vol dans la salle de contrôle (MOCR). Par exemple, la position Computer Dynamics étaient en relation avec RETRO et FIDO.

Les "interfaces utilisateurs" des contrôleurs de vol étaient bien loin des modèles graphiques tels que Windows XP ou encore MacOS que nous connaissons. D'après James Summers, qui travaillait en temps que Computer Dynamics au RTCC durant Gemini et Apollo, ces interfaces étaient très compliquées, et leur utilisation était pratiquement impossible à comprendre pour des personnes non-initiés. Les contrôleurs de vol de la salle de contrôle (MOCR) transmettait grâce à des circuits-fermés vocaux (appelé Voice Intercom System, photo ci-dessous) des informations au personnel du RTCC, qui rentrait ces données dans le système.

Voici un exemple de l'affichage d'une console que m'a fournit Vince Fleming, contrôleur de vol lors d'Apollo 11 :

Chaque écran ne présentait aucune icône mais des suites et des colonnes de chiffres et de lettres. L'analyse devait être effectuée par des opérateurs. Les affichages étaient assez rudimentaires : le fond de l'écran qui était statique était projeté par une diapositive et le MOC gérait les valeurs dynamiques. Lorsqu'un contrôleur voulait appelé un autre affichage, la diapositive était changée automatiquement, mais le mécanisme se bloquait très souvent.


Vue de l'intérieur des consoles de la MOCR.

Tous les systèmes étaient programmés en langage assembleur. Les programmeurs ne rencontrait que très rarement les contrôleurs de vol. Ces derniers faisaient une liste des objectifs de la mission avec des paramètres précis pour les trajectoires par exemple, et ils ne revoyaient pas les programmeurs avant que la mission ne commence. De plus, chaque mission avait des spécificités différentes, donc on devait reprogrammer les MOC à chaque fois.

 

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